L'Institut Pasteur de Tunis, plus de cent ans au service de la Santé Publique |
Charles Nicolle préside avec génie, pendant 33 ans (1902-1936) aux destinées de cette institution. Il aborde toutes les maladies du littoral méditerranéen, commençant par le paludisme pour lequel il met en place des mesures prophylactiques, puis étudie les agents de nombreuses maladies infectieuses (typhoïde, typhus, dysenterie, leishmaniose, peste, choléra, trachome, ...), identifie et décrit leur mode de propagation, découvre le cycle parasitaire de la leishmaniose infantile et de la toxoplasmose, le mode de transmission du typhus exanthématique et introduit un concept nouveau en pathologie, celui des maladies inapparentes. Cette œuvre lui valut le Prix Nobel de médecine en 1928, son élection à l'Académie des Sciences en 1929 et sa nomination à la Chaire de Médecine expérimentale au Collège de France, en 1932. Elle valut aussi à l'Institut Pasteur de Tunis, un renom international incontesté. Charles Nicolle fut également le fondateur des « Archives de l'Institut Pasteur de Tunis », en 1906, revue que l'Institut Pasteur de Tunis continue à publier à ce jour. Etienne Burnet (1936-1943) est le troisième directeur de l'Institut Pasteur de Tunis. Brillant normalien et agrégé de philosophie en 1897, il décide cependant de changer de cap pour se consacrer à la recherche en médecine. Devenu Docteur en médecine en 1903, il est affecté au laboratoire de Metchnikoff à l'Institut Pasteur de Paris. Au cours des dix années qu'il y passe, il entreprend des travaux sur la syphilis, la peste et la tuberculose. Nommé Directeur de l'hygiène de la ville de Tunis, il assure ces fonctions de 1920 à 1928, même après avoir été nommé, en 1921, sous-directeur de l'Institut Pasteur de Tunis. Au cours de ces années, il se consacre à l'étude de la brucellose et met au point un sérodiagnostic (IDR à la mélitine) en effectuant les premiers essais sur lui-même. A partir de ses travaux, il tente de dégager les lois d'évolution des micro- organismes vivants. Lucien Balozet (intérim, 1943-1949) Après 1956, année de l'indépendance de la Tunisie, l'Institut Pasteur de Tunis continua à assurer la préparation des vaccins nécessaires aux besoins du pays, la pratique des analyses médicales et la surveillance épidémiologique des principales affections endémiques en particulier la rage et les maladies transmissibles par l'eau. L'activité de recherche se ressentait cependant provisoirement du déficit en cadres scientifiques et des urgences pressantes des premières décennies de l'indépendance qui furent celles de la généralisation de l'enseignement public, du développement de la couverture hospitalière et de l’éradication des grands fléaux épidémiques, du lancement des premières universités et de la sortie des premières promotions de médecins, pharmaciens, scientifiques, vétérinaires, et techniciens de santé.
En 1958, il est nommé sous-directeur de l'Institut et obtient le diplôme de Bactériologie-Virologie-Parasitologie du Grand Cours Pasteur de Paris, le diplôme d'Immunologie (1959), le diplôme de Mycologie (1960) et le diplôme d'Immuno-pathologie (1972). En 1962, il accède au grade de Maître de conférences agrégé des Facultés de Médecine (section Anatomie Pathologique). En 1963, il est nommé Directeur de l'Institut Pasteur de Tunis.Sous son mandant (1963 - 1988), l'Institut Pasteur de Tunis a joué le rôle qui lui incombe dans le progrès sanitaire du pays, la formation des cadres et la recherche biomédicale, dans la droite ligne des valeurs pasteuriennes. Mission au service de la santé. A l'aube de l'Indépendance, alors que le pays est dépourvu de laboratoires et que le personnel scientifique et technique est réduit, l'Institut Pasteur de Tunis fait face à des problèmes immédiats et urgents. Il doit assurer la surveillance épidémiologique et la pratique des analyses de biologie clinique pour les besoins des structures publiques et privées de la région de Tunis. L'Institut Pasteur est également confronté à la gestion de fléaux épidémiques : poliomyélite (1963 et 1964), puis choléra (1970) et s'adapte à la vaccination de masse et à la production des vaccins pour répondre aux besoins du pays et à ceux des pays voisins. Il mène des missions de contrôle des eaux et des denrées alimentaires, des eaux côtières et des parcs conchylicoles pour la prévention des affections à entérobactéries, ... Il est laboratoire central de la Santé publique et centre de référence pour les maladies infectieuses et parasitaires. L'Institut Pasteur de Tunis développe le volet production de produits biologiques répondant aux critères de qualité internationaux :vaccins (vaccin antipoliomyélitique, vaccin antirabique à partir d'une souche de virus fixe puis sur culture cellulaire, BCG, vaccins antityphoïdique, anticholérique, antivariolique, autovaccins, vaccin anti-rougeoleux sur culture cellulaire, vaccins à usage vétérinaire), sérums thérapeutiques (antivipérin, antiscorpionique et antirabique), milieux de culture prêts à l'emploi et réactifs biologiques destinés au diagnostic (antigènes divers, sérums agglutinants, colorants,...). En 1985, il reprend les prérogatives qu'il détenait avant l'indépendance : responsabilité de la production, du contrôle et de la commercialisation des vaccins. Grâce aux recettes, l'équipement des laboratoiresil est rénové et modernisé. Mission de formation, prioritaire au lendemain de l'Indépendance. Le Pr Amor Chadli et les cadres de l'Institut Pasteur assurent la formation théorique du personnel technique dans le cadre des Ecoles professionnelles de Santé publique, la formation pratique se faisant dans les laboratoires de l'Institut. Pour ce qui est du personnel scientifique, le Pr Amor Chadli a été le fondateur de la faculté de médecine de Tunis en 1964, son premier doyen de 1964 à 1971, puis à nouveau de 1973 à 1975. Il était exigeant sur le niveau de l'enseignement et a organisé les premiers concours d'assistanat et d'agrégation en 1973. Il a également préparé l'infrastructure des Facultés de Médecine de Sousse et de Sfax et en a assuré le démarrage en octobre 1974. De 1974 à 1985, il organise, à l'Institut Pasteur de Tunis, un enseignement annuel d'Immunologie générale destiné aux médecins, aux pharmaciens et aux vétérinaires. Il organise également un CES d'Immunologie puis un CES d'Allergologie d'une durée de deux ans. Cet enseignement qualifie, en 1982, l'Institut Pasteur de Tunis comme Centre collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en Immunologie et, le Pr Amor Chadli, son chercheur principal et directeur de centre. Mission de recherche. Parallèlement à leurs tâches de routine, les équipes scientifiques de l'Institut Pasteur et leur directeur ont mené des travaux de recherche, principalement publiés dans les Archives de l'Institut Pasteur de Tunis, avec notamment : des enquêtes épidémiologiques, des études des vecteurs de la rage, du paludisme, de la brucellose, ...des travaux sur l'écologie de la leishmaniose (répartition de l'endémicité, détermination des espèces de phlébotomes vectrices, leur localisation et schéma de transmission de la maladie), en collaboration avec l'Institut de Parasitologie de Montpellier, une étude portant sur 8 000 cas de cancers dégageant les particularités et la fréquence relative du cancer en Tunisie, des études démontrant du rôle du chat dans la transmission de la toxoplasmose et le cycle évolutif du parasite dans la contamination des herbivores, des mises au point de méthodes de diagnostic, des études de recherche de nouvelles voies de production de sérums et de vaccins mieux tolérés ou plus efficaces, ... Devant la difficulté d'avoir un personnel scientifique dédié à la recherche, stable et libéré des contraintes des activités sanitaires, le Pr Amor Chadli obtient, en 1985, une révision du statut du personnel scientifique de l'Institut Pasteur de Tunis qui permet le recrutement des Docteurs d'Etat en Sciences. En 1986, six Docteurs d'Etat s'installentdans un service de biologie moléculaire, construit à cet effet et s'attellent à l'amélioration de sérums et à la production d'anatoxine par clonage de gènes et leur expression sur un vecteur approprié. La création de cette structure de recherche animée par une équipe spécialisée revêt une grande importance dans la promotion de la plus prestigieuse des missions pasteuriennes qui est la recherche. A partir de l'année 1988, sous l'impulsion du Professeur Koussay Dellagi, qui dirigea l'Institut Pasteur de Tunis jusqu'en 2005, l’Institut a recentré ses activités autour de sa vocation naturelle: la Recherche Scientifique au service de la Santé de l'Homme. Grâce au soutien de l’Etat, le renouveau a pu s’affirmer par le recrutement de cadres scientifiques, le renforcement des équipes de recherche et la dotation en ressources nouvelles. Les grands axes prioritaires de la Recherche furent définis, portant sur les principales pathologies infectieuses humaines et animales prévalentes dans la région; l’étude des maladies génétiques; la Biotechnologie enfin. Ces acquis permirent à l'Institut de s’ouvrir sur son environnement national, régional et international par le biais de réseaux de collaborations fructueuses et de participer au renouveau de la Recherche Scientifique Tunisienne. Entre Juillet 2005 et Juillet 2007, l’IPT a été dirigé par Le Professeur Abdeladhim Ben Abdeladhim. Au cours de cette période certaines des missions de l’IPT, notamment celles relatives à l’importation et le contrôle des vaccins, sérums thérapeutiques et dérivés sanguins, furent transférées à d’autres structures sanitaires : La Pharmacie Centrale de Tunisie pour l’importation des vaccins, sérums thérapeutiques et dérivés sanguins, le Laboratoire National de Contrôle des Médicaments pour le contrôle. En juillet 2007, la Direction de l’IPT a été confiée au Professeur Hechmi Louzir, un programme de restructuration a été entamé. Il vise une meilleure visibilité de l’IPT en Tunisie et dans le monde, un vaste programme qualité et un renforcement et réorganisation des activités de diagnostic et santé publique, recherche/développement et production de certain vaccins et sérums thérapeutiques. Fin 2007, l’IPT a été identifié comme structure porteuse de projets dans le cadre de la Technopole de Sidi Thabet, dédiée aux biotechnologies appliquées à la Santé. La synergie entre la recherche structurante et innovante et les applications industrielles, pour le bien de nos populations, constitue un énorme challenge que l’IPT a décidé de relever avec tout le personnel scientifique, technique et administratif. |