Découverte d’une nouvelle forme de maladie à «transmission autosomique récessive» par une équipe de recherche à l'IPT

Les maladies génétiques autosomiques récessives (dans lesquelles l'anomalie touche les deux exemplaires du gène chez le patient atteint, chacun hérité d'un des parents, pour que la maladie se développe) sont très fréquentes dans les populations d'Afrique du Nord et du Moyen orient caractérisées par un environnement de consanguinité élevée. Cette situation constitue un vrai défi en matière de santé publique. C'est pourquoi un intérêt accru est accordé à la compréhension des bases moléculaires de ces maladies génétiques, étape clé qui permettra d'orienter la prévention par le conseil génétique et le diagnostic prénatal, mais également de proposer des thérapies ciblées améliorant la qualité de vie des patients atteints.

C'est dans ce contexte qu'une équipe du Pr Ridha Barbouche, chef du laboratoire de recherche «Transmission, Contrôle et Immunobiologie des Infections » et du Laboratoire de diagnostic de « Cyto-Immunologie » à l'Institut Pasteur de Tunis s'est intéressée à l'étude d'une maladie génétique du système immunitaire appelée syndrome lymphoprolifératif avec autoimmunité (ALPS, Autoimmune Lymphoproliferative Syndrome). Il s'agit d'un déficit immunitaire primitif (DIP) dû à un défaut génétique dans une voie de la mort programmée de la cellule (apoptose). Les auteurs de cette étude ont découvert une nouvelle forme d'ALPS chez des patients tunisiens qui ont été suivis aux services de pédiatrie et d'hématologie « Hedi Chaker » de Sfax ainsi qu'au service de pédiatrie A de l'hôpital d'enfants « Béchir Hamza » de Tunis. Les patients investigués souffraient de désordres autoimmuns (lorsque les propres constituants de l'organisme sont agressés) au niveau des lignées sanguines (anémie, chute de plaquettes...) et avaient de multiples ganglions superficiels mais aussi profonds. Certains vivaient avec ces anomalies jusqu'à un âge très avancé à cause d'une errance diagnostique.

Cette nouvelle forme à « transmission autosomique récessive » est différente des formes d'ALPS rapportées jusque-là dans la littérature, sur le plan protéique et génétique, et semble aussi associée à un début clinique précoce. Son identification a permis de mettre en place une surveillance rapprochée aux patients atteints, vu le risque accru de développement de lymphomes. Un conseil génétique a également été proposé aux familles afin de les sensibiliser sur le risque de récurrence de ce syndrome dans la descendance. Par ailleurs, cette découverte devrait inciter les experts internationaux à réviser la classification de l'ALPS. Les résultats de cette étude intitulée « Autoimmune lymphoproliferative syndrome caused by homozygous FAS mutations with normal or residual protein expression » effectuée dans le cadre de la thèse de Nourhen Agrebi, doctorante au laboratoire de «Transmission, Contrôle et Immunobiologie des Infections » sous la direction du Pr. agrégé Imen Ben Mustapha ont été publiés en janvier 2017 dans « The Journal of Allergy and Clinical Immunology » qui est le journal d'allergie/immunologie le plus cité, avec un facteur d'impact de 12.485.

Désormais, sensibiliser les médecins tunisiens et maghrébins à cette maladie et à d'autres types de DIPs reste prioritaire afin d'offrir aux patients une prise en charge précoce et adaptée. C'est dans ce cadre qu'un projet baptisé «Amélioration de la prise en charge des enfants Tunisiens atteints de Déficits Immunitaires Primitifs» (ATun-DIPs) financé par la Principauté de Monaco et coordonné par l'Institut Pasteur de Tunis est en cours de réalisation. Ce projet a pour objectif de renforcer les capacités de diagnostic et de prise en charge des patients atteints de DIPs. Ce projet participera ainsi à mettre en place une stratégie solide de prévention et de lutte contre les DIPs dans les régions du centre et du sud de la Tunisie.

 

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